FRArt Latent Walk, par delà la boîte noire.

1. Introduction

  • type: Article
  • ref: DOC.2021.147

Depuis la révolution industrielle, le rapport aux machines s’est immiscé dans les sociétés et a pris une place importante dans les débats publics. Plus tard, l’automatisation a remis en question la place de l’humain dans le monde. Si ces questionnements — théorisés dès la naissance de la cybernétique fin des années 1940 — ne sont pas nouveaux, ils prennent une tout autre dimension aujourd’hui, avec l’apparition des « Intelligences artificielles » qui ont réussi à se faire une place de choix dans toutes les dimensions de notre société.
Ce que l’on regroupe sous la bannière des AI (ou du Machine Learning) ce sont ces processus à travers lesquels les machines parviennent à apprendre seules, sur base de corpus de données et de réseaux neuronaux. On pourrait dire que les machines s’autonomisent et en ce sens ne sont plus exclusivement des outils. Si dans ce processus, l’intervention humaine diminue, je constate, a contrario, que le mystère et l’étendue de leurs calculs grandissent. Dans le traitement médiatique, dans les produits culturels, dans la littérature (même scientifique) qui traite des AI, le mot « opaque » est souvent utilisé pour qualifier les opérations accomplies par les algorithmes. Pourtant, en tant qu’artiste, chercheur ou professeur, il est de notre devoir de dépasser tant la fascination que la peur qu’elles peuvent susciter pour penser les mutations culturelles qu’elles engendrent.
En prenant au pied de la lettre la croyance qui déclare que dans les AI, la machine est autonome (et qu’elle a donc, d’une certaine manière, un libre arbitre), ma recherche aura pour objectif de donner à voir l’inconscient de cette machine, de rendre visible ce qui se cache à l’intérieur de son cerveau, de sa boîte noire. Ma recherche se matérialisera à travers la création d’un artefact fonctionnel, une sorte de « camera obscura » du XXIe siècle, à la fois allégorie et outil, espace de convergence technologique et esthétique.
L’objet matérialisé intégrera d’une part une installation interactive et d’autre part un film en cours de production. L’installation interactive permettra à chaque utilisateur d’entrer en relation et de collaborer avec l’Intelligence artificielle dans le but de créer une image. Quant au film, il mettra en scène l’objet créé dans une fiction expérimentale pour interroger par un autre biais les limites du regard et du rapport à l’image dans le contexte du bouleversement visuel généré par les Intelligences artificielles. Ces machines qui ont désormais la capacité de produire une image « réaliste » complètement fausse (OU inventée). En travaillant à pousser ces algorithmes dans leurs derniers retranchements, en les prenant à défaut, en cherchant leurs ratés, je désire questionner leur souveraineté annoncée, et montrer qu’ils peuvent redevenir de simples outils, et donc des leviers de création dont les artistes pourront s’emparer (tout comme, contredisant Walter Benjamin, ils se sont emparés de l’appareil photo ou de la caméra).

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Ayant une formation dans le domaine des arts visuels, c’est particulièrement la capacité des AI à produire des images que je souhaite étudier et questionner. Ainsi l’objet créé devra être capable, préalablement entraîné par une équipe de chercheurs, de produire ensuite des images hallucinées de manière autonome.

Premièrement, ma recherche consistera à recontextualiser le rapport artiste/machine afin d’inscrire cette nouvelle technologie dans une continuité historique. Ensuite, associée à des artisans et à des designers d’objets, il s’agira de matérialiser l’artefact qui incarnera visuellement et plastiquement les réseaux neuronaux de l’Intelligence artificielle. Cette boîte noire sera au centre d’une installation interactive.

Pour la partie IT, la recherche sera accompagnée par les chercheurs de l’UMONS via le CLICK. Pour la conceptualisation de l’objet, un partenariat avec le TRAKK de Namur est envisagé ainsi qu’une collaboration avec l’ESA Saint Luc Tournai (et plus particulièrement l’option « stylisme d’objet »). Par ailleurs, le fruit de cette recherche sera partagé avec les étudiants et fera l’objet d’une publication.