FRArt Recherche corsaire. Recherche théâtrale d’après les Écrits Corsaires et les Lettres Luthériennes de Pier Paolo PasoliniRecherche Corsaire : introduction

  • type: Article
  • ref: DOC.2021.188

En 1975, à la veille de sa mort, Pier Paolo Pasolini publiait les Écrits Corsaires, un recueil d’articles parus à l’origine dans les journaux italiens, et ses Lettres Luthériennes, un « petit traité pédagogique ». Maniant les armes de la polémique et de la contradiction, le poète et cinéaste y dressait le portrait d’une société profondément transformée, soumise à la consommation de masse et à la déculturation. C’est sur ces textes que Ferdinand Despy, Justine Lequette, Eva Zingaro-Meyer et Simon Hardouin ont porté leur attention, à leur sortie du Conservatoire de Liège, avec l’ambition de porter sur scène une pensée réfractaire, dont les interpellations politiques et sociales continuent de résonner aujourd’hui de façon intempestive.
Le travail des quatre chercheuses et chercheurs s’est d’abord fait « à la table », par des lectures, études et discussions sur la biographie et le théâtre de Pasolini, la pensée d’Antonio Gramsci, l’histoire de l’Italie, etc. Une façon d’approcher leur matériau dans son contexte idéologique, social et culturel. Le passage « au plateau » s’est effectué ensuite à travers des résidences où s’échafaudaient progressivement, à travers des tentatives d’abord disjointes de mise en jeu, une dynamique collective et un langage commun.
Deux questions ont particulièrement orienté la recherche scénique : comment théâtraliser cette pensée complexe ? Et par quels moyens théâtraux convoquer le monde disparu que Pasolini regrette et fantasme dans ses textes ? Pour tenter d’y répondre, un travail a été lancé autour de chants traditionnels italiens, en collaboration avec Brigitte Romano, ainsi qu’une recherche esthétique sur les figures paysannes, prolétaires et sous-prolétaires peuplant les films de Pasolini, avec la plasticienne et costumière Elsa Seguier-Faucher. Des essais d’incarnation ont été menés, rendant bientôt sensible la nécessité de mettre ces chants et ces figures à distance, de travailler l’écart culturel et temporel les séparant des quatre membres du collectif. Ces difficultés à porter sur scène la pensée de Pasolini, plutôt que de conduire à un constat d’échec, constitueront au contraire la matière même d’un spectacle autoréflexif, provisoirement intitulé « En une nuit – Notes pour un spectacle à faire ».
Et puis, si la pandémie et le confinement consécutifs n’ont pas véritablement bousculé le calendrier initialement établi, la situation a ouvert au projet de nouvelles perspectives : la création d’une œuvre plastique pour la Biennale de l’Image Possible, en collaboration avec le Corridor, et un nouveau travail documentaire, qui donne suite à une série d’entretiens préliminaires que le groupe avait réalisée avec des personnes âgées, témoins du « monde d’avant » évoqué par Pasolini. Ces documents devraient bientôt faire l’objet d’une création sonore.