FRArt Why relooking at caricature today ?Introduction

  • type: Article
  • ref: DOC.2021.85
  • tags: parrhesia

Le projet de recherche d’Eleni Kamma  porte sur les raisons qui motivent une relecture historique et une analyse des enjeux de la caricature dans le contexte politique et artistique actuel. L’artiste fait par ailleurs une thèse qui a pour intitulé Taking Place : Parrhesiastic theatre as a model for artistic practice (Prendre place : le théâtre parrhésiastique comme modèle de pratique artistique). La parrhèsia, du grec ancien παρρησία (« parler de tout ») (de πᾶν, « tout », et ῥῆσις, « discours »), peut se définir comme la liberté d’expression, voire l’obligation d’exprimer la vérité pour le bien commun, au risque de s’exposer personnellement et publiquement. À travers ce concept, l’artiste entend questionner la notion de divertissement liée à l’expression personnelle dans le cadre d’une pratique artistique étroitement liée à la participation du public.
Le projet Why relooking at Caricature today ? se divise en trois axes distincts, qui engagent autant de méthodologies spécifiques. Le premier vise à retracer l’histoire de la caricature en Belgique, particulièrement florissante depuis le XIXe siècle, à travers un corpus d’œuvres plastiques et littéraires étudiées dans les institutions muséales et les fonds d’archives à Bruxelles afin d’en dégager les principaux effets subversifs. L’artiste se propose également d’explorer la ville à la rencontre des traces et des témoignages laissés par la caricature dans l’espace urbain, ainsi qu’à travers ses diverses manifestations dans le folklore, notamment celui du carnaval. Deuxièmement, il s’agit d’examiner l’attitude des politiciens vis-à-vis de la caricature aujourd’hui, dans les réseaux sociaux et à la télévision, à l’ère de la « post-vérité » (ex. : Donald Trump, le Brexit). Au lieu de révéler la vérité, la caricature la travestit et détourne l’attention des vrais enjeux tout en servant le discours populiste et démagogue des politiciens. L’objectif ici est de collecter des éléments de preuves et de procéder à une étude comparative de ceux-ci pour arriver à dresser un état des lieux de la caricature actuelle. Enfin, l’artiste suggère que la caricature n’est plus un acte marginal et qu’il est nécessaire de repenser sa place en investiguant les diverses possibilités de lui donner une nouvelle forme qui s’opposerait aux médias sociaux, à travers des actions réelles et des gestes qui emploient le corps dans l’espace public notamment, et en focalisant sur l’expérience subjective du corps et la performance. Cette recherche a été réalisée en collaboration avec une danseuse professionnelle, Sahra Huby, ainsi qu’avec le concours des étudiants de l’ArBA-EsA. Eleni Kamma se proposait également de questionner l’héritage de la caricature au sein de l’Académie des Beaux-arts et son rôle en tant qu’outil pédagogique. Dans le cadre d’un enseignement artistique qui recourt au modèle vivant, la caricature dérange, car elle contrevient à l’étude de l’harmonie et des justes proportions dictées par les canons esthétiques et vient en révéler les fondements normatifs. Par ailleurs, quelle place donne-t-on aujourd’hui au corps dans l’apprentissage, à l’intérieur des différentes disciplines (dessin, danse, performance, etc…) ? Comment l’enseignement artistique actuel, qui tente de résister à la pression de la normalisation, peut-il user de cet outil critique ?